
18 h 57, le soleil se couche. Les couleurs rouge et orangé emplissent l’atmosphère d’une ambiance apaisée. D’un pas fatigué, Kevin contemple le magnifique panorama. Plongé dans ses pensées, il se rappelle la dernière fois qu’il était passé par là. Ce paysage ne lui avait pas paru aussi beau qu’actuellement. Alors que son esprit s’évade, son lacet s’accroche à une branche et le fait trébucher. Le voilà par terre, lui et son sac à dos de 25 kg. Charles, l’ayant entendu tomber, revient sur ses pas.
- Kevin, est-ce que ça va ?
- Oui, ne t’inquiète pas. J’ai juste été surpris. J’admirais le paysage et je n’ai pas regardé où je mettais les pieds.
- Hé, les gars ! encourage Charles. Plus qu’une centaine de mètres et nous arriverons au lieu du campement.
- Charles, est-ce que ça va ?
- Charles, qu’est-ce qu’il se passe ? Charles…
- Les gars ! Charles a un problème. Mathis ! Mathis !
- Charles, qu’est-ce qui passe ? demande Mathis.
- OK, garde ton calme. Essaie de respirer doucement.
- Ça ne va pas du tout, chuchote Mathis. Reste avec lui et fais en sorte qu’il garde son calme. Je vais chercher la bouteille d’oxygène.
- Vite, la bouteille. Où est-ce qu’elle est, bordel ?
- J’arrive ! s’écria-t-il.
- Ne t’inquiète pas, Charles, ce n’est pas la première fois que je vois un homme touché par un œdème des poumons. En temps normal, tu serais déjà mort.
- Allo !
- Allo, pourrais-je parler à Charles Anderson s’il vous plait ?
- C’est moi. À qui ai-je l’honneur ?
- Bonjour, M. Anderson ! Je suis Mat Hampton, journaliste au Dare Magazine. J’ai eu vos coordonnées par l’intermédiaire de Kevin Matthew. Je vous contacte car je rédige actuellement un article sur la résilience et j’interviewe plusieurs personnes ayant vécu un échec dans leur vie. Je souhaite écrire sur la manière dont ils se sont reconstruits. Pourriez-vous m’accorder une trentaine de minutes demain à 12 h afin que nous échangions sur ce sujet ?
- Anderson, vous aviez 50 ans lorsque vous avez décidé de gravir l’Everest. Pour quelles raisons vous êtes-vous lancé dans cette aventure ?
- À ce moment de ma vie, j’avais atteint plusieurs de mes objectifs. Mon entreprise affichait un chiffre d’affaires en hausse. Mes filles terminaient leurs études supérieures. Je voulais sentir que je pouvais encore accomplir de grandes choses alors je me suis lancé ce défi.
- Pouvez-vous me dire comment s’est déroulée cette ascension ? Était-ce difficile ? Aviez-vous imaginé que vous n’iriez pas jusqu’au bout ?
- J’ai gravi avec joie et courage les obstacles qui se sont dressés devant moi. Il y a eu des moments compliqués, mais je me suis accroché. Vous savez, lorsqu’une difficulté survient, il faut savoir faire face, se focaliser uniquement sur la prochaine étape et avancer un pas à la fois. C’est ce que j’ai fait.
- Kevin m’a expliqué que vous avez été victime d’un œdème des poumons. Cela ne vous a miraculeusement pas tué, selon ce qu’il m’a dit, mais vous avez dû rebrousser chemin. Comment avez-vous vécu ce moment particulier où vous avez senti que vous n’y arriverez pas ?
- Contrairement à ce que l’on peut penser, cette complication n’a pas eu raison de ma détermination. À l’âge de 50 ans, j’ai accepté un tel défi. J’ai arpenté les sentiers de l’Everest. J’ai surmonté les difficultés et j’ai su quand il fallait renoncer. La réussite n’a pas toujours le visage que l’on veut lui donner. Il faut savoir faire face aux montagnes qui se dressent devant nous, mais il faut aussi savoir quand renoncer. J’ai eu un œdème des poumons alors que je gravissais cette montagne. J’ai vécu ma plus belle rencontre sur le mont Everest et je suis encore en vie. J’ai pu voir mes filles obtenir leurs diplômes et je vais bientôt être grand-père. Renoncer à ce moment-là a été ma plus grande réussite.